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065 - Deganne délinquant (150e anniversaire d'Arcachon)

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150e anniversaire d'Arcachon

Chronique n° 065


Deganne délinquant.

* * *

Lamarque contre attaque et répond à Deganne, en 164 pages, le 17 janvier 1862. Florilège des arguments : si M. Deganne veut des rues de vingt-cinq mètres de large, c’est parce qu’il compte vendre davantage de terrains à la commune. Mais Arcachon ne doit pas être une ville aux voies rectilignes ouvertes aux courants d’air. Si M. Deganne a refusé le boulevard de ceinture c’est parce qu’il craint de ne pas vendre ses propres lots. Deganne a traité les collaborateurs de Deganne d’incapables. Lamarque réplique qu’ils sont administrateurs, avocats, juge de paix et il se félicite d’avoir Thomas Lusan comme adjoint. Et Deganne de ricaner : "M. Lamarque n'ose pas révéler la douce et humble profession de son adjoint : pâtissier".

 

Lamarque continue : "Si M.Deganne avait voulu donner un terrain, on n’aurait pas été obligé de bâtir une mairie au dessus du marché". Lamarque revient sur l’échec de l’adduction d’eau : "Ce sont des joints qui ont cédé et le coupable a été renvoyé". Et Lamarque d’ajouter quelques amabilités pour Deganne : "Il est vrai que vous êtes un spécialiste de l’eau puisque vous voulez creuser un tunnel sous la Gironde pour favoriser la plage de Royan, aux dépens d’Arcachon". Tandis que moi, Lamarque, je suis allé présenter Arcachon au prince président. J’ai obtenu une aide financière pour empierrer la route de La Teste à Eyrac. J’ai fait décréter Arcachon paroisse indépendante. Ce n’est pas votre château qui fait connaître Arcachon mais, moi. Grâce au “Journal d’Arcachon”, j’ai vanté la ville aux principales célébrités médicales parisiennes et les affiches des fêtes charitables et des régates que j’organise popularisent le nom d’Arcachon, alors que vous, Deganne, vous avez abandonné ce zèle charitable.

 

Autre chose : "J’ai obtenu que les propriétaires paient leurs trottoirs mais M. Deganne, en 1855, vous n’en avez pas installé devant votre château ni, en 1862, face à votre habitation". Et puis vient l'estocade. En réalité, elle constitue un bel aveu de la duplicité de Lamarque quand il fut maire de La Teste : "J’ai réussi à convaincre une municipalité soumise aux pressions de l’opinion publique et parfaitement consciente que l’indemnité de trois cents francs par hectare n’est rien" -vous entendez bien : n’est rien- "en comparaison de la plus value qu’allaient acquérir les terrains". Est-ce du cynisme ou de la naïveté de rappeler la spoliation des Testerins dont d’ailleurs, Deganne a eu l’idée ? Toujours est-il que Lamarque lance à Deganne que "cette délibération l’a rendu plusieurs fois millionnaire, alors qu’il n’a même pas voulu la signer". Ce qui serait plutôt à l’honneur de Deganne, si l’on ne savait que ses terrains de l’Ouest ne supportent pas les droits d'usage et vont donc trouver de la concurrence.

 

Lamarque rétorque ensuite qu’il a dû faire face à tout : l’école, la voirie, la police, l’éclairage, les pompiers, la poste, l’orphéon et l’octroi qui procure des ressources. Un octroi qui fait de M. Deganne un délinquant : son employé passe en fraude de l’avoine camouflée sous de la paille, évitant ainsi de payer cinquante centimes de droits. Le 19 novembre 1858, le Tribunal Correctionnel condamne Deganne à cent francs d’amende et à la confiscation du cheval et de la charrette ! Lamarque jubile et se frotte les mains de satisfaction.

 

Et il enfonce son adversaire sur d’autres points : "C’est la compagnie du Midi qui a fait les avenues dont il se vante, sauf Sainte-Marie, en forme de canal qui commence par un débit de vin et finit par un précipice". Quant à l’église Notre-Dame, "M. Deganne fait tout ce qu’il peut pour empêcher son agrandissement. Sur un de ses terrains proches, il a même installé une étable dont les ouvertures font face aux fenêtres de l'abbé Mouls. Car M. Deganne aurait voulu une église dans ses lots proches de la gare pour les valoriser". On devine que Deganne, dont on voit qu’il ne manque pas d’arguments autant originaux qu'odorants, va répliquer. C’est une autre histoire.

A suivre...

Jean Dubroca

Chronique sur Radio Côte d'Argent - 90,4 Mhz

(jeudi 26 avril 2007)

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