Article 1 : "Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale, Empereur des Français, décrète la section d’Arcachon distraite de la commune de La Teste et érigée en commune distincte". Par ces termes, signés au palais des Tuileries, Arcachon naît. C’est le 2 mai 1857. Presque au même moment, 2000 opposants au régime sont mis en résidence surveillée ou déportés. Mais ce 2 mai, n’est qu’un court instant dans la longue, très longue histoire qui, contrairement aux apparences, accompagne Arcachon.
Il faut se souvenir des Boïates qui fuient l’antique Boïos, noyée dans des marécages, pour se réfugier dans la forêt de l’ouest. Il faut songer à la vie difficile qui les y attend : leurs longues luttes avec l'océan, leur résistance farouche pour défendre leurs indispensables droits d’usage dans la forêt, leur épuisement pour arracher la résine aux dures écorces des pins, leur sens commercial pour vendre cette résine au loin, leur acharnement pour cultiver un sol ingrat et leur obstination pour s’opposer à la menace des sables en inventant des techniques qui la combattent.
Et quand on raconte l’histoire d’Arcachon, il faut encore voir venir de dix lieues à la ronde vers la chapelle Notre-Dame et pendant plus de trois cents ans, des centaines de pèlerins, des bergers sur leurs échasses, des bouviers de Sanguinet et des familles de marins de tout le Bassin. Quand on parle d'Arcachon, on pense aussi à la longue cohorte de tous ceux qui ont fait de cette ville. Ceux qui l’ont rêvée, ceux qui l’ont dessinée, ceux qui l’ont réalisée.
A commencer par ces artisans multiples qui ont transformé des villas en dentelles de pierre et de bois. Et puis aussi ces marins-pêcheurs et ses armateurs qui, au fil des années, ont développé son port dont certains des chalutiers et leurs hommes ont sombré dans les passes, explosé sur des mines, succombé sous des bombes. Malgré toutes les difficultés, Arcachon, est devenue ville de soleil, ville de santé, ville de loisirs et de sports, portée par de larges ambitions qui en ont fait aussi, en un temps, un centre industriel et ostréicole, autant qu’un rendez-vous de tout le Gotha européen.
Il y eut des heures sombres avec les réfugiés de 1870, les 258 morts de la Grande guerre, les déportés de 40/44, les résistants de Duchez, de Marie Bartette et de de Luze qui ont ensuite pourchassé les nazis du Rhin au Danube. Et dans cette étonnante foule d'autres noms surgissent. François Legallais qui devine l’essor des bains de mer, Deganne qui trace des avenues imposantes, dote la ville du chemin de fer, d’un château et d’un théâtre, Lamarque qui organise la nouvelle cité en ses moindres détails, les Frères Pereire qui lui donnent une dimension à la taille de la finance internationale, y créant un bijou architectural unique au monde, baroque, fantasque, cosmopolite et audacieux. Il y a l’abbé Mouls qui a aimé cette ville au point de tout y perdre, Veyrier-Montagnères ou Marcel Gounouilhou qui l’ont brodée d’un front de mer ouvert sur toutes les couleurs du ciel et de l’eau.
Et encore, plus près de nous, Lucien de Gracia qui, après la Libération, a donné à Arcachon ses équipements modernes, son vaste port, son golf, son lycée, son grand stade de tennis, son hôpital et même son intercommunalité. Et Robert Fleury, ensuite, qui défend bec et ongles le rôle universitaire d’Arcachon, agrandit l’hôpital, fait protéger la ville d’hiver et ouvre la promenade Pereire qui, depuis 1978, offre à tous le plus beau panorama et la plus belle plage du Bassin. Et viendra Pierre Lataillade qui créera le Palais des Congrès, le centre de thalassothérapie et modernisera le front de mer.
Et demain ? Quatrième de ces maires, tous arcachonnais, Yves Foulon trace des pistes cyclables d’un bout à l’autre de la cité, y reconstruit un théâtre de mille places, embellit le port, lance la reconstruction du centre-ville longtemps préparée, rénove la jetée, fait courir de petits bus électriques et redonne à sa ville le sens de la fête. Ainsi, en 150 ans, Arcachon a su concrétiser ce rêve qu’entrevoyaient bien avant 1840, des Testerins perspicaces. Bien sûr qu’Arcachon est une ville heureuse, une île heureuse, bien que trop de ses habitants y manquent encore le train de plaisir. Mais, quand on mesure l’extraordinaire chemin parcouru en ces 150 ans, on peut avoir confiance en l’avenir. C’est là ce qui fait l’importance et l’intérêt de l’étonnante histoire d’Arcachon.