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150e anniversaire d'Arcachon
Chronique n° 006
Un écrin pour des mots
* * *
Arcachon est né du sable et de la forêt. Mais ces deux
richesses, auraient-elles toute la valeur du minéral et du végétal
rassemblés, ne seraient que petite monnaie si, sur le Bassin, elles
ne se conjuguaient parfaitement avec la mer,"qu’elles semblent
appeler", disait Mauriac. Ah ! Ce Bassin ! Tout le monde en parle,
les savants, les touristes ou même les journalistes. Mais surtout
les poètes, inspirés, comme écrivit Jules Michelet, par cette
"antichambre de l’Océan", décorée avec le luxe incroyabe de toutes
les couleurs du ciel.
Ecoutez-donc André Armandy : "Au coucher, les dunes incendiées
passent du blanc éblouissant au rose, du rose au pourpre, du pourpre
au mauve et du mauve à l’outremer. A cette heure-là, le bleu du
Bassin décline en turquoise mourante et chaque vaguelette enferme en
son repli une pincée de ciel. Bleu serti d’or, dans son écrin de
forêt toujours vert, le Bassin a la quiétude d’un beau lac
italien". Armand Got voit dans le Bassin "une anse d’or où
s’endort l’Océan apaisé" et François Mauriac, au Moulleau, observe,
à marée montante "une mer d’un vert pâle, là où ont disparu les dos
fauves des dieux ".
Joseph de Pesquidoux navigue, le soir venu, devant Arcachon, il
raconte : "le soleil descendant couvait la ville de rayons
obliques, de longs faisceaux qui allaient chercher tout ce qui
pouvait reluire et s’allumer : les pierres polies par la vague ou
lavées par la pluie, les bandes métalliques des toitures, les troncs
blancs des platanes perdus parmi les pins si bien qu’Arcachon
paraissait flamber, prise d’incendie et de longs cordons de feu
couraient partout. Je croyais longer quelque autre Corne d’or, surgie
là comme dans un Conte des Mille et une Nuits".
Pour Gilbert Ganne, les lueurs caniculaires du Bassin ouvrent de
lointains horizons : "sur le flanc de la dune, sur cette enclume
chauffée à blanc, le soleil abattait son marteau silencieux. L’on eut
dit que le fleuve de feu endigué par les échoppes de la ville
lointaine débouchait dans cet estuaire avec volupté. L’eau était
verte, vivante,ornée de flocons blancs. Un chalutier aux flancs
luisants tentait une sortie, étoile filante à queue de mouette".
Quant à Claude Vincent, pour lequel les lueurs du Bassin "ont
une lumière qui est celle même de Claude Lorrain", elles le
charment quand il s’apprête à l’automne. "C’est d’abord la lumière
qui change, amorçant une évolution vers des ciels moins vifs, des
aurores que le brume attnue, des soleils couchants qui se déroulent
avec moins de feu
mais davantage de langueur, le jeu complexe des rouges, des mauves,
des roses, organisant comme chaque soir depuis la nuit des temps
depuis le commencement du monde la sombre victoire de la nuit".
Décidément, ce Bassin qu’ils imaginent éternel, il en fait voir de
toutes les couleurs aux écrivains. Et pourtant, il est presque tout
neuf. Mais c’est une autre histoire. A suivre...
Jean Dubroca
Chronique sur Radio Côte d'Argent - 90,4 Mhz
(lundi 22 janvier 2007)