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150e anniversaire d'Arcachon
Chronique n° 005
Un cocktail linguistique
* * *
La forêt usagère constitue cette terre généreuse d’où jaillit
Arcachon. Seulement, la ville n’a pas surgi par génération spontanée.
En grattant son sous-sol, on ne trouve pas que du sable. On y détecte
aussi, enfouis comme les longues racines des pins, la longue histoire
des hommes qui constitue les solides fondations de la jeune ville.
Des fondations creusées par bien des efforts, bien des souffrances,
bien des trouvailles pour mieux vivre, par exemple, en extrayant de
cette forêt tout ce qu’ elle pouvait apporter. Le bois, certes, qui
construisait les cabanes ou les péougues, les bateaux. Mais aussi
l’or noir, venu de l’or blond. En somme, les goudrons extraits de la
résine. On la tirait de l’arbre par des entailles tranchées comme au
scalpel, grâce à une hache, aiguisée telle une dague : le hapchot.
La résine coulait dans un creux du sol. Puis on la transférait
dans un réservoir à claire voie d’où s’écoulait la tormentine,
devenue depuis l’huile de térébenthine, très utile pour la peinture
ou pour guérir les rhumes et, plus tard, pour tenter de soigner la
tubersulose. Dans le réservoir, restait une gemme que l’on mélangeait
avec la résine compacte recueillie en octobre. On enfournait le
mélange dans une chaudière - la caoudeyre - et en chauffant, on
obtenait un produit dur et brun, le brai noir, qu’on appellera,
ouvrez l’oreille, qu’on appellera un jour : l’arcasson. L’arcasson....Ca ne vous dit rien ? A l’arcasson on pouvait ajouter de l’eau et, après un mitonnage de deux heures, on obtenait du brai
jaune. On le moulait dans un tronc de chêne évidé et on le vendait à
un bon prix pour en faire des torches, du savon et, plus tard, pour
encoller le papier. Sa vente, marchait bien, sous le nom
d’arquaysson. Arcasson, arquaysson, tiens ... tiens ... bizarre,
comme c’est bizarre !
On ne laissait pas perdre non plus les arbres morts. Dans des
fours en pierre d’alios, on faisait cuire, à l’ étouffée, des
bûchettes qui donnaient divers types de goudron, suivant la qualité
du bois consumé. Colbert, lorsqu’il a vent au XVIIè siècle, de cette
ancestrale technique, l’encourage fortement car il a bien besoin de
ces goudrons pour calfater - c’est à dire étanchéifier - les nombreux
navires, qu’il fait construire pour faire la nique aux Anglais et aux
Hollandais.
En fait, le commerce maritime de tous ces produits issus de
l’arbre se faisait depuis très longtemps et en 1243, une chaloupe
relâchant dans le grand chenal du Bassin. Elle s’appelait le "Cavoyr
d’Arquasson". Viendront la Jaquette, puis la Catherine d’Arcasson.
C’est exactement là que la forêt rejoint la mer. En 1205, on
apprend, dans la Chronique saintongeaise que des Basques qui
avaient mauvaise conscience, s’enfuirent vers Arcaisson, le signe
“iss” se prononçant alors “che”. Le mot viendrait du latin
"cassanus" signifiant chêne. Comme poussaient alors beaucoup de
chênes dans la petite montagne, on voit d’où vient le nom d’Arcachon,
un somptueux cocktail linguistique entre la forêt, la mer et les
hommes. Mais est-ce bien vrai ? D’aucuns en doutent. De toutes
façons, c’est une autre histoire.
A suivre...
Jean Dubroca
Chronique sur Radio Côte d'Argent - 90,4 Mhz