Histoire en Buch

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Mémoires de Jean Paloc (Editions de la SHAA)

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Jean PALOC

Souvenirs d’un directeur des douanes (1855-1904)

 

306 pages – Prix 10 €.

 

Dans son premier numéro de l'année 1923, la revue les Annales des Douanes apprenait à ses lecteurs la mort à l'âge de 86 ans d'un des doyens de l'Administration, «M. Paloc, retraité en qualité de directeur honoraire, il y a une vingtaine d'années». Et d'ajouter: «M. Paloc appartenait à une famille douanière. Son frère avait servi comme contrôleur en chef dans la direction de Bordeaux. Lui-même avait terminé sa carrière comme directeur à Chambéry, puis à La Rochelle (...). C'était un chef des plus sympathiques, doublé d'un érudit, dont la valeur et les qualités de rédaction s'étaient affirmées dans maints travaux».

 

Jean Paloc douanier

 

Jean Paloc, «fils légitime de Mathieu Paloc, Lieutenant d'Ordres des Douanes et de Marguerite Capsecq, son épouse», naquit le 20 février 1837 à Soulac.

Son père, né à Bordeaux le 29 août 1805, était lui-même fils d'un employé des douanes et avait bénéficié «d'une faveur exceptionnelle en septembre 1821» : «d'une constitution robuste, capable de faire un bon service et l'excellente conduite de son père devant être un garant de celle qu'il tiendra», il avait été admis matelot à l'âge de 16 ans !

Jean Paloc vécut son enfance au gré des mutations paternelles, sur les rives de la Gironde (Le Verdon et Blaye), avec un intermède à Biscarrosse de novembre 1842 à l'été 1843. Cette même année 1843, il entra «au collège» à Bordeaux et obtint son diplôme de bachelier ès sciences le 2 août 1854.

Pendant ces onze années, sa famille poursuivit ses déménagements: son capitaine de père se déplaça du poste des Genêts près d'Hourtin, aux bords du Bassin d'Arcachon, d'abord à Certes ­quartier de la commune d'Audenge connu pour ses marais salants, créés au XVlIIe siècle par le marquis de Civrac -, puis à La Teste-de­Buch où il se lia d'amitié avec MM. Lalesque et Sémiac, respectivement docteur et pharmacien des brigades de la capitainerie testerine. Suivant l'exemple de son frère aîné Mathieu, né à Lormont le 15 mai 1834, Jean Paloc fut, le 1er mars 1855, «admis dans l'emploi de matelot avec appointements» à Bourg-sur-Gironde, qu'il quitta bientôt pour Arès. Le 26 avril 1856, il se présentait à l'examen pour l'admission au surnumérariat : classé n° 1, il fut nommé surnuméraire à La Teste-de-Buch le 1er octobre, sous les ordres de l'inspecteur divisionnaire Jules Pontallié.

Sa carrière le mena le 1er février 1858 à Certes comme receveur particulier, puis à Bordeaux où il occupa, d'avril 1862 à octobre 1867, les fonctions de secrétaire de l'inspecteur sédentaire M. de Préfontaine, alias de Lioncourt, puis celles de commis de direction jusqu'en juin 1876. Ce fut l'occasion pour Jean Paloc de vivre les heures tragiques de 1870 qui virent deux compagnies de douaniers quitter Bordeaux le 13 août et le Ministère des Finances s'établir à l'Hôtel des Douanes bordelais en décembre.

Le 1er juillet 1876, commis principal à l'administration centrale, il fut affecté en qualité de rédacteur à la 1 re division avant d'accéder , le 1er janvier 1879, au grade de sous-chef de bureau. Trois ans plus tard, promu inspecteur sédentaire, il partit pour Dunkerque. A cette époque, la contrebande du tabac sur la frontière franco-belge provoquait de nombreux affrontements sanglants entre douaniers et fraudeurs. Inspecteur principal à Lille le 1er mars 1884, Jean Paloc revint à Paris, le 1er octobre 1885, comme chef de bureau de 4è classe. Quatre années passèrent. Le 1er octobre 1889, il fut nommé directeur à Chambéry. En mars 1891, il épousait à Arès, où il avait débuté comme matelot, Marguerite Sémiac. Pendant son séjour savoyard, Jean Paloc s'attaqua - sans grand succès - à ce qu'il appelait «les privilèges concédés illégalement à la zone franche", avant d'être «changé" - ce sont ses propres termes - pour La Rochelle le 15 décembre 1896.

 

Son séjour rochelais fut marqué en 1901 par «la guerre» que se livrèrent par pétitions et circulaires interposées la revue corporative Le Douanier, dont la lecture était alors largement répandue dans le service des brigades, et le directeur général des douanes Georges Bousquet qui dut en janvier 1902 demander à être relevé de ses fonctions.

La fin d'une brillante carrière, marquée par deux distinctions - Jean Paloc était Chevalier de la Légion d'Honneur et Chevalier de l'Ordre Impérial du Dragon d'Annam - , approchait. Le 1er février 1904, les Annales des Douanes annonçait que «par décret du 26 janvier 1904 M. Paloc (Jean) directeur des douanes de Ire classe à La Rochelle était admis sur sa demande à faire valoir ses droits à la retraite».

 

Jean Paloc mémorialiste

 

Retraité le 31 janvier 1904, Jean Paloc, que l'on prénommait en famille Lucius, se retira sur les bords du Bassin d'Arcachon.

Désormais directeur honoraire des Douanes, il entreprit bientôt de rédiger ses mémoires, restés jusqu'à ce jour inédits, tout en partageant son temps entre Arès et La Teste-de-Buch où il mourut le 31 décembre 1922.

Ce sont ses souvenirs, écrits de 1911 à 1913, ignorés des Annales des Douanes et pieusement conservés par sa famille, qui sont aujourd'hui publiés car ils ont paru mériter une plus large audience que le cercle familial ou celui de quelques érudits locaux. Ne s'adresse­-t-il pas en tout premier lieu à ses collègues douaniers ?

Il ne s'agit pas à proprement parler de mémoires: des pans entiers de la vie et de la carrière douanière de Jean Paloc sont, en effet, passés sous silence, l'épisode rochelais notamment.

Acteur et témoin, l'auteur a voulu avant tout relater d'une plume vive, souvent acerbe, quelquefois choquante pour un lecteur du XXe siècle finissant, ce qu'était la vie des douaniers dans la seconde moitié du XIXe siècle en «parcourant" une carrière pour le moins exemplaire, bien que non exceptionnelle. Nombreux sont en effet les directeurs régionaux des douanes qui, au siècle dernier, commencèrent leur carrière tout au bas de la hiérarchie, dans le service des brigades. L'un d'entre eux, Léon Allé, débuta comme matelot et accéda au poste de directeur général des douanes.

Le témoignage de Paloc prend d'autant plus de valeur qu'il existe peu de documents similaires dans la corporation douanière. Boucher de Perthes, avec ,<Sous dix rois", et Louis Gruyer, auteur des ,<Souvenirs d'un gabelou de Napoléon», n'ont guère eu d'émules. Qui plus est, dans ses évocations, Jean Paloc déborde largement du strict cadre douanier, apportant de précieuses informations pour l'histoire de régions telles que l'Aquitaine, le Nord et la Savoie. Quant à l'acteur Paloc, il exerce son sens critique sur des événements majeurs -la guerre de 1870-1871, l'annexion de la Savoie et le problème des zones franches -, mais aussi sur des sujets plus spécifiquement douaniers qui n'ont pas tous perdu de leur actualité, loin s'en faut: le déroulement des carrières, la notation des agents, le recrutement de directeurs généraux, les méthodes de l'Inspection des Finances, pour ne citer que quelques exemples.

Ainsi, au triple plan de l'histoire douanière, de l'histoire locale et de l'Histoire -la grande ? -, les souvenirs de Jean Paloc apparaissent comme une source de connaissances majeures, par certains côtés irremplaçables, quand on sait les destructions parisiennes et provinciales qu'ont subies les archives douanières.

 

Michel BOYÉ