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Pays de Buch - 5901 - Eté 1789, répercussions en Pays de Buch

L'ÉTÉ 1789

SES RÉPERCUSSIONS

EN PAYS DE BUCH

 

Le 5 mai 1789 eut lieu à Versailles la séance inaugurale des États Généraux. Reçus par le roi séparément des ordres privilégiés le 2 mai, humiliés lors de la procession et de la cérémonie en l'église Saint-Louis le 4 (1), les 578 (ou 598) députés bourgeois du Tiers-Etat (2) guettèrent un mot sur une éventuelle Constitution du royaume et le vote par tête. Espoir déçu. Les discours de Louis XVI, du Garde des Sceaux Barentin et de Necker, tout en acceptant l'égalité fiscale, entendaient limiter le mandat des Etats Généraux à l'approbation d'un expédient financier - un emprunt de 80 millions de livres - pour combler un déficit avoué de 56 millions.

 

Tiraillés entre l'obéissance au roi et le rejet du vote par ordre, les représentants du Tiers se rebaptisèrent, le 6 mai, « députés des communes ». Alors que la Noblesse se déclarait constituée le 11 mai, le Tiers-Etat refusait de vérifier les mandats de ses députés et observait les tiraillements entre curés et évêques au sein du Clergé. L'effervescence montait dans la salle des Menus dont les tribunes étaient, chaque jour, envahies par le public. Aussi, le 10 juin, le Tiers décidait-il d'inviter les députés des deux premiers ordres à se joindre à lui pour une vérification commune des pouvoirs de « tous les représentants de la Nation » à partir du 12 (3). D'abord isolé, le Tiers fut rejoint, dès le 13, par 19 députés ecclésiastiques dont l'abbé Grégoire. Le 17 juin, à l'appel de l'abbé Sieyès, le Tiers-Etat ainsi renforcé décidait de prendre le titre d'« Assemblée Nationale » et affirmait son droit à consentir l'impôt (4).

 

Le 19 juin, le Clergé votait la réunion et, le 20, dans la salle du Jeu de Paume, les députés de la « nouvelle » assemblée nationale prêtaient le célèbre serment « de ne jamais se séparer (...) jusqu'à ce que la constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ». Le 23, au cours d'une assemblée plénière, tout en acceptant le consentement de l'impôt et des emprunts par les états ainsi que la liberté de la presse, en espérant que les privilégiés se rallieraient au principe de l'égalité fiscale, Louis XVI décidait que l'on siégerait par ordre, comme le souhaitait la Noblesse. Le Tiers refusa de se retirer après le départ du roi (5) et, par défi, décréta l'inviolabilité de ses membres. Le pouvoir royal ne put ou ne sut riposter. Mieux, le 24 juin, la majorité du Clergé et le 25 un groupe de 47 nobles dont le Duc d'Orléans vinrent siéger avec le Tiers-Etat.

 

Il ne restait donc plus au roi, le 27 juin, qu'à inviter « son fidèle clergé et sa fidèle noblesse » à se réunir à l'assemblée nationale qui s'intitula, le 9 juillet, « Assemblée Nationale Constituante » (6). « La monarchie absolue avait vécu » (7).

 

I - LA RÉVOLUTION MUNICIPALE

 

La Révolution, conduite jusqu'alors par des hommes de loi (avocats, procureurs, magistrats, etc.), se voulait légaliste mais le 12 juillet, à la nouvelle du renvoi de Necker qui - prétendait-on - signifiait banqueroute de l'état, ruine des rentiers et disette, elle descendait dans la rue. A Paris, après que le prince de Lambesc eut dégagé manu militari les Tuileries, la foule attaquait l'enceinte des fermiers généraux, molestait des gardes, brûlait les barrières. Les manifestants, travaillés par des orateurs - dont Camille Desmoulins - qui dénonçaient les mouvements de troupes ordonnés autour de Paris depuis le 26 juin, décidèrent de former un comité permanent et de constituer une milice bourgeoise qu'il convenait d'armer. Au pillage des Invalides succéda pour ce faire, le 14 juillet, la prise de la Bastille.

 

Tandis que la nouvelle gagnait la province, le comité permanent de l'Hôtel de Ville devenait la commune de Paris, avec Bailly pour Maire. Le 17 juillet, au moment même où les Bordelais apprenaient la chute de la Bastille, Louis XVI venait à Paris reconnaître la nouvelle municipalité parisienne. Le 20 juillet, à l'initiative de quelques-uns des Quatre-vingt-dix électeurs, Bordeaux constitua son Armée Patriotique, commandée par le duc de Duras, pour prévenir troubles et manifestations. Deux jours plus tard, les Quatre-vingt-dix se constituaient en Comité permanent : les notables prenaient en charge « la municipalisation » (8).

 

En Pays de Buch, ce furent les Testerins qui, les premiers, suivirent l'exemple de Bordeaux. Dès le 2 août, La Teste se donnait un Régiment patriotique (9). Dans les autres paroisses, il semble que l'on ait attendu des ordres qui ne vinrent que dans le courant du mois d'août ainsi qu'en témoigne la lettre du quartier d'Arès, vraisemblablement adressée au duc de Duras (10) :

 

« Monsieur,

 

En conséquence des ordres verbeaux que vous me fite l'honneur de me donner de concert avec mon confrère, nous avons assemblé la communauté dans notre quartier et avons pris le nom de tous ceux qui sont en état de composer la patrouille ou milice bourgeoise avec le nom des officiers. Nous n'avons point voulu notifier a un chacun leur grade sans au préalable (que) vous ayés Monsieur donné votre approbation. Comme vous êtes le chef choisi par toute l'illustre assemblée des électeurs nous aurions crû manquer essentiellement si nous avions agi différemment. Nous vous prions y ajouter, diminuer ou confirmer selon que vous le jugerez a propos. Nous nous fuirons un vray plaisir de votre instant de soutenir les intérêts de Sa Majesté et de la Nation. C'est avec de tels sentimens et un profond respect que nous avons l'honneur d'être votre très humble et très obéissant serviteur.

 

A Arès le 25me aoust 1789 »

.

Suivent les signatures de « Sescouse député, Coussaud député, Elies Chasseloup ».

 

Cette missive était accompagnée de « rôles sans signature » - malheureusement non retrouvés. Lecture en fut faite au Comité permanent le 28 août (11).

 

Comme à Bordeaux, mais avec un temps de retard, la municipalisation se traduisit aussi, en Pays de Buch, par la mise en place de nouvelles autorités. Les Deux-Cents électeurs qui représentaient les campagnes avaient constitué, face au Comité des Quatre-vingt-dix, un comité de dix-huit membres présidé par Deleyre. Soucieux des intérêts des paroisses rurales (12), ce second comité se préoccupa, sans attendre une décision nationale, d'organiser des élections municipales. C'est la raison pour laquelle, le 15 août, Baleste-Marichon et Marichon jeune demandèrent aux Testerins un nouveau mandat pour participer aux travaux préparatoires, mandat qui leur fut refusé (13).

 

Pour s'opposer aux menées des deux députés à l'Assemblée Générale delà Sénéchaussée, et notamment à celles de Pierre Jean-Baptiste Baleste-Marichon qui avait dû mettre à profit le récent mariage de son parent avec la fille de l'architecte Bayle (14) pour mieux s'introduire dans les milieux notables de Bordeaux, un comité testerin fut créé. Ce comité, composé de 14 membres, protesta le 28 août 1789 auprès du Comité des Deux-Cents sur le rôle attribué à Baleste-Marichon. Les contestataires reprenaient à leur compte, en la circonstance, les accusations formulées par les Cazalins et les Sallois contre les officiers de justice (15) :

 

"Messieurs,

 

Cet avec Le plus Grand Etonnement et la plus grande Surprise que les habitants de la paroisse de lateste, de Buch ont vu Votre ordonnance du 20e de ce mois Etre Contre signée Par le Sieur Baleste marichon habitant du dit lieu Se qualifiant D'électeur et membre Supléant du Comité principal de Guienne.

 

Il seroit Trop long Messieurs de vous rappeller Tous les moyens insidieux qu'employèrent Les officiers de Justice Seignierieaux de ce lieu le 1er mars Dernier pour parvenir à Etre eux seuls députés a l'assemblée générale de la Sénéchaussée, Et pour faire Réussir le Complot qui s'étoit formé Entreux, Il suffira de Vous dire que quoique le Voeu des habitans fut de nommer des personnes d'un âge mur, sages et Ecleres et dans lesquels les habitans avoient La plus Grande Confiance, Il ne fut jamais Possible défaire prévaloir leur nomination par L'opposition Indesente des dits officiers de Justice. Seigneurieaux dans qui resi-doit toute l'autorité, et ces obstacles forcèrent les habitans a dissoudre l'assemblée et au lieu de la Renvoyer à un autre four pour Elire les députés affin de porter a l'assemblée le Cayer de plainte et de doléances des habitans. Il arriva que les officiers de Justice se nommèrent En­treux et leurs adherans, Et le Sieur Baleste marichon qui figure dans Votre règlement du 20 de ce mois d'août, Comme Electeur fut du nombre des députes particulier quoy qu'il ne fut point cottisé sur le rolle de la Taille, quoY qu'il ne fut pas majeur qu'arriva T il Messieurs, d'une nomination si Irrégulière, si Imprévue, c'est que Toutes les Plaintes et doléances des habitans furent ou altérées ou Supprimées du cayer, qu'elles furent Communiquées au Seigneur dont Les Intérêts étaient opposés a ceux des habitans, Enfin le Sieur Baleste marichon pretandu Electeur se permit le 15 de ce mois Jour de notre dame de lire un avis en forme de lettre Venant de Bordeaux qu'il eut soin de cacher aux habitans par laquelle lettre on avertissait d'envoyer des électeurs a votre assemblée Messieurs, il proposa a la parroisse assemblée de le deputter a lui même mais les habitans préférèrent de ni Envoyer personne plutôt que de lui donner leurs Suffrages d'ailleurs Comme on avoit caché jusques a ce moment aux habitans la lettre qui demandoit de Envoyer, Ceux dont on auroit fait choix Etoient absents Cepandant malgré l'humiliation qui devoit résulter pour le dit marichon du refus et de l'opposition des habitans pour être Elu II a cependant Eu assez de Courage pour se Présenter devant votre auguste assemblée et de figu­rer comme Elu de la parroisse II se Jacte hautement qu'aussi tôt que Vous fûtes Instruits qu'il etoit à Bordeaux, vous le fites prier de se rendre a votre assemblée ou II luy fut fait Le plus grand accueil.

 

Les habitans Vous représentent Messieurs qu'ils desireroient avoir la liberté de nommer Ceux qu'ils Jugeront le plus propres pour former le Conseil Municipal de police de la parroisse, sans êtres astraints a faire Choix des prétendus députés a l'assemblée généralle de la Sénéchaussée attendu que ce ne fut que par la force et la duplicité Des officiers seigneurieaux que le Choix des habitans mit Jamais Tombé Sur Certains de Ceux qui parurent a l'assemblée generalle. En cette qualité, d'ailleurs II semble qu'il est plus Dans l'ordre que toute la parroisse assemblée Choisisse des Personnes dont l'expérience, et la Sagesse Reponde a leur Confiance, Vous Etes suppliés Messieurs d'inviter le Sindic de la parroisse de La Teste, de Convoquer les habitans pour une assemblée, affin qu'elle délibère Et fasse Choix des personnes Sages et propres affin de Composer le Conseil Municipal du présent Lieu, et Les habitans Continueront Leurs Voeux pour Votre Conserva­tion et prospérité, Celle du roy et de l'auguste assemblée des Etats Généraux".

 

suivent les signatures de :

 

Lacaze, Cravey fils, Nouaux, Bourdain jeune

Betus, Fleury ey fils

Lesca, Dutruch père

Dehilotte fils, Lesca, Moulliets, Dubos

Turpin Notaire

Baillon (16)

 

Fin août, ce « mémoire du Comité de La Teste » était lu au Comité des Deux-Cents qui rédigea une réponse qui ne nous est pas parvenue mais qui n'empêcha pas Etienne Turpin de l'emporter sur Marichon jeune lors des élections du 6 septembre 1789 (17).

 

II - LA GRANDE PEUR.

 

A partir du 22 juillet 1789, « au désordre urbain répondit la révolte agraire. Elle ne fut pas générale, mais ses effets impressionnèrent » (18). La Grande Peur se propagea selon plusieurs courants. Dans les campagnes, les paysans s'armaient, attaquaient le château voisin, brûlaient les archives, livres et plans terriers (19). La crainte des brigands aboutissait à une révolte antiseigneuriale qui menaçait aussi la propriété bourgeoise, car tous les châteaux n'avaient pas pour propriétaires des nobles.

 

La nuit du 4 août contribua à l'arrêter. A Versailles, tous les membres de l'Assemblée Nationale savaient que la question des droits féodaux était à l'origine de tous les maux. La séance débuta par le dépôt d'un projet de décret garantissant « les droits sacrés » de la propriété. Prenant le relais du vicomte de Noailles, le duc d'Aiguillon proposa la suppression de toutes les exemptions fiscales et de tous les privilèges dont pouvaient jouir les individus, les ordres, les corporations, les villes, les provinces. L'euphorie aidant, l'assemblée vota ainsi, toutes tendances confondues, l'abolition de tous les privilèges. Lorsque la séance fut levée, « les pensions royales, les offices, toutes les immunités corporatives, municipales, provinciales, les exemptions de taxes et les privilèges » avaient été jetés à bas. Mais le rachat des droits seigneuriaux était prévu. Cependant, les mesures décidées, complétées par le vote de l'égalité devant l'impôt, étaient telles que « c'est tout l'Ancien Régime, fondé sur une société divisée en trois ordres et sur la notion de privilège, qui s'écroulait » (20).

 

Restait à reconstruire et surtout, dans l'immédiat, à mettre en forme les décisions prises. D'âpres discussions sur la dîme, les droits rachetables précédèrent l'adoption du décret du 11 août qui consacra « l'abolition de la féodalité, proclama l'égalité civile et fiscale, l'abolition des privilèges et de la vénalité des charges » (21). Mais la sanction de Louis XVI était nécessaire pour l'entrée en vigueur de ce décret. Le roi fit montre de son opposition. Il faudrait les journées des 5 et 6 octobre pour le forcer à changer d'avis.

 

La sénéchaussée de Bordeaux et, par conséquent, le Pays de Buch, furent épargnés par la Grande Peur et les troubles. De cette situation privilégiée, le directeur des fermes de Bordeaux, M. Jac­ques-Philippe de Gercy devait tirer avantage le 31 août 1789 devant les Quatre-vingt-dix. Après avoir fait un rapport sur des incidents à Langon et une confiscation de tabac de contrebande à Saint-André de Cubzac, M. de Gercy annonçait « un mémoire par lequel il demendera à l'assemblée de déclarer par un arretté les employés de la ferme employés de la Nation en ce qu'en effet les perceptions qui se fesoient ci devant pour les fermiers généraux se font maintenant par leur retraite pour le compte de la nation ; et pour principal motif de cette motion, il a expozé qu'il est le seul directeur du Royaume dont les bureaux soyent en activité; tandis qu'il y à, dans les autres directions des fermes des pertes immenses, sur les objets de perception, il remet sur le Bureau des résultats des produits qui établissent qu'en comparant le produit des droits de traite du mois de juillet dernier avec celui du mois de juillet 1788, il y a eu un bénéfice de 85.888 livres 18 sols 10 deniers la présente année ; qu'en comparant les ventes de tabacs faites dans les entrepôts de ce département, pendant le quartier d'avril, avec celles fa ites pendant le quartier d'avril 1788 il y a, sur le quartier d'avril 1789 une augmentation de produit de 14101 livres et qu'en comparant les ventes des deux mois de juillet 1788 et 1789 il y a eu une augmentation de vente dans le mois dernier de 3 364 livres douze onces » (22).

 

De fait, les résultats de l'année 1789 (23) allaient confirmer l'analyse de M. de Gercy. Alors que dans beaucoup de provinces du Royaume la Grande Peur et la nuit du 4 août, en provoquant l'illusion que l'ancien ordre des choses avait été définitivement aboli, avaient pratiquement arrêté la rentrée des impôts, en Guyenne la situation était normale, y compris dans le Captalat de Buch où l'on avait dénoncé pourtant avec véhémence le grenier à sel de La Teste, « la nouvelle gabelle » et les visites domiciliaires des agents de la Ferme.

 

Non seulement, le commerce testerin, soumis aux droits de traite, ne subissait aucun ralentissement au cours de l'été 1789, les mois de juillet, août et septembre correspondent aux plus fortes perceptions du bureau dirigé alors par Jacques Havet (24), mais les ventes de tabacs demeuraient à leur niveau habituel, un peu plus de 13.500 livres, tandis que le magasin à sel, pourtant honni, fonctionnait normalement, lui aussi ; les droits pour l'année 1789 s'élevèrent à 6.302 livres, pour le plus grand contentement de son receveur Bernard Baleste-Marichon de Marcq.

 

Il faudra attendre l'année 1790, avec la suppression de la gabelle, le 21 mars, et des droits de traite à l'intérieur du royaume, les 30 et 31 octobre, pour que les Bougés puissent s'adonner librement au commerce du sel.

 

III - LA DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME.

 

Après avoir réglé, du 4 au 11 août, le problème féodal, l'Assemblée Nationale Constituante dut reprendre le débat amorcé en juillet sur une Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Les réticences de certains ayant été balayées le 1er août, les députés choisirent, entre plusieurs projets, celui du 6ème bureau présidé par Mgr Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, pour relancer la discussion le 12 août. « Condensé, transformé, radicalisé par un long débat et des amendements nombreux, il va devenir la célèbre Déclaration des droits, votée le 26 août » (25).

 

Machine de guerre contre l'Ancien Régime, conçue en 17 articles, cette Déclaration niait l'absolutisme et les privilèges, proclamait l'égalité civile et fiscale, énumérait les droits naturels et imprescriptibles de l'homme : « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression » ; elle dégageait un certain nombre de principes : admission de tous à tous les emplois, non rétroactivité des lois, séparation des pouvoirs et dénonçait l'arbitraire judiciaire.

 

« L'individualisme bourgeois a(vait) désormais sa grande charte de droit public » (26). Mais il s'agissait d'une oeuvre de circonstance destinée à marquer les conquêtes obtenues contre le roi et les ordres privilégiés. En effet, « il n'était pas fait mention ni de l'esclavage, ni du suffrage universel, ni du droit au travail, ni de la liberté de commercer, ni de l'égalité des sexes » (27).

 

Elle n'en eut pas moins un grand retentissement et, nécessité bourgeoise et lois aidant, de multiples conséquences dont certaines, notamment en Pays de Buch, sont toujours d'actualité.

 

Ainsi, « la déclaration des droits de l'homme » s'était bien gardée de parler de liberté des cultes ; même les mots « liberté de conscience » ne s'y trouvent pas. Mais en affirmant que nul ne pouvait être inquiété pour ses opinions religieuses, elle donnait naissance à un état de fait : la tolérance » (28). Pourtant, rapidement, la Constituante alarma l'Eglise, hostile à toute laïcisation du royaume, lorsqu'elle accorda aux protestants (24 décembre 1789) et aux juifs d'origine hispano-portugaise du Sud-Ouest (28 jan­vier 1790) la qualité de citoyens.*

 

Par ailleurs, la proclamation du droit de propriété jointe à la liberté des cultures (loi du 28 septembre 1791) allait permettre à chaque propriétaire « d'échapper à la vaine pâture sous condition de clore ». Se trouvait ainsi autorisée la suppression par cantonnement des droits de libre pacage et autres droits d'usage que les paysans possédaient sur les terres vaines, padouens et vacants.

 

Enfin, la possibilité serait donnée bientôt aux communes, par les lois des 14 août 1792 et 10 juin 1793, d'acquérir les terrains qui avaient appartenu féodalement aux seigneurs, sauf si ceux-ci possédaient un titre de propriété privée.

 

Dès août 1789, se trouvait donc privilégié le propriétaire par rapport à la multitude des paysans sans terres ou insuffisamment pourvus de terres qui ne pouvaient survivre souvent que grâce aux usages.

 

Robert Aufan - Michel Boyé

 

* Voir l'article suivant de M. Jacques Ragot

 

NOTES ET RÉFÉRENCES

 

(1) « Les députés roturiers restent soigneusement tenus à l'écart, en tête du cortège le plus loin du roi ; en arrivant à l'église Saint-Louis, ils se casent comme ils peuvent, alors que la noblesse et le clergé ont leurs places marquées». F. Furet et Denis Richet, « La Révolution Française », Hachette Pluriel, p. 73 et 74.

(2) Le seul élu paysan du Tiers fut le laboureur Michel Gérard. Le nombre des députés du Tiers n'est pas connu avec exactitude.

(3) Jean Tulard, « Histoire et dictionnaire de la Révolution Française », R. Laffont Bouquins, p. 36.

(4) Ibid.

(5) Ce refus s'accompagna de la réplique de Mirabeau au marquis de Dreux-Brézé : « Nous sommes ici parla volonté du peuple et nous n'en sortirons que par la force des baïonnettes ».

(6) Alfred Fierro, « Histoire et dictionnaire de la révolution Française », op. cit., p. 315.

(7) Jean Tulard, op. cit., p. 38.

(8) Ibid., p. 43.

(9) Fernand Labatut, « La Révolution à La Teste (1789-1794) », p. 64.

(10 A.M. Bordeaux, D 217, n° 28.

(11) Ibid.n°12.

(12) Histoire de Bordeaux sous la direction de Charles Higounet, « Bordeaux au XVIIIème siècle », p. 383.

(13) Fernand Labatut, op. cit., p. 65.

(14) Jean-Baptiste Baleste-Manchon s'est marié à Bordeaux le 12 août 1789 (paroisse Ste Eulalie).

(15 )Bulletin S.H.A.A. n° 58 du 4ème trimestre 1988.

(16) A.M. Bordeaux, D 217 n° 43.

(17) Fernand Labatut, op. cit., p. 66 et 67.

(18) Jean Tulard, op. cit., p. 44.

19) Michel Vovelle, « La chute de la Monarchie 1787-1792 », Seuil 1972, p. 128 et ss.

(20) Jean Tulard, op. cit., p. 48.

(21) Ibid., p. 50.

(22) A.M. Bordeaux, D 217.

(23) A.D. Gironde, 4 L 105.

(24) Droits perçus en juillet : 963 livres, en août : 801 livres et en septembre : 1180 livres alors que, le trimestre précédent, mai culminait à 650 livres.

(25) F. Furet et D. Richet, op. cit., p. 90.

(26) Ibid., p. 91.

(27) Jean Tulard, op. cit., p. 51.

(28) F. Furet et D. Richet, op. cit., p 132.

 

Extrait du Bulletin n° 59 du 1er trimestre 1989 de la Société historique et archéologique d'Arcachon et du Pays de Buc.

 

 


Date de création : 20/01/2010 • 10:17
Dernière modification : 20/01/2010 • 10:17
Catégorie : Pays de Buch
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